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[FR] [ENG] #EP 3 - Quand Goliath s'allie à David



Au Maroc, tout comme dans de nombreux pays en développement, les politiques publiques de gestion de déchets font défaut (mais cela ne veut pas dire pour autant que celles-ci sont exemplaires dans tous les pays du Nord, comme la France où à Paris seuls 20% des déchets sont recyclés).


Quand ils parviennent à être collectés, presque la moitié (environ 42%) des déchets terminent en décharge non contrôlée, représentant une source de nuisances environnementales et sanitaires.


Néanmoins, impulsé par des protocoles internationaux tel que Kyoto et son mécanisme de développement propre (MDP) et avec l'appui d'institutions telles que la Banque Mondiale, le pays a engagé depuis 2008 le Plan National des Déchets Ménagers (PNDM) visant à :

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Atteindre un taux de collecte des déchets ménagers de 100% en 2030

Réhabiliter 100% des décharges d'ici 2020

Atteindre un taux de recyclage de 20% d'ici 2022 notamment en s’appuyant sur les récupérateurs informels (qui réalisent déjà en majorité le travail de collecte de recyclables dans les rues, en porte à porte ou dans les décharges. ) pour lesquels il est aussi question d’améliorer les conditions de travail.

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Depuis, les municipalités sont incitées à mettre en place des schémas de gestion de déchets inclusifs pour les chiffonniers, en intégrant ce critère dans le cahier des charges de leurs appels d’offres (quand il est question de confier le marché à une entreprise privée).


Ceci est particulièrement crucial dans le cas de la réhabilitation des décharges sauvages où en général des centaines de familles dépendent du travail de la récupération. Ainsi, une fermeture de décharge sans inclusion de chiffonniers pourrait avoir des impacts sociaux voire dramatiques comme en 2017 en Ethiopie.

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Dans le cadre de ce programme, les deux premiers projets d'inclusion de récupérateurs ont vu le jour à Rabat et à Meknes :


  • Agglomération de Rabat (676 000 habitants, 257 000 tonnes de déchets par an) : Centre de valorisation Oum Azza où collaborent la coopérative Attawafoq ("nous sommes tous égaux"), dénombrant 150 récupérateurs, et le groupe Pizzorno Environnement.

  • Agglomération de Meknes (650 000 habitants, 185 000 tonnes de déchets par an) : Centre d'Elimination et de Valorisation (CEV) de Meknes où collaborent la coopérative Attadamoune ("solidarité"), dénombrant 150 à 180 récupérateurs, et le groupe Suez.

Décharge non contrôlée de Meknes avant sa réhabilitation (© LeVert.ma)


Les récupérateurs de l'ancienne décharge de Meknes ont été accompagnés par Suez dans la création de leur coopérative en 2015, et en 2016 une convention a été signée entre l'agglomération de Meknes, Suez et Attadamoune fixant les modalités de leur collaboration.


J'ai visité le CEV de Meknes avec Ahmed Lagoud, Président de la Coopérative Attadamoune qui me fait part de l'historique et m'explique le fonctionnement du centre de tri. Il me précise qu’ils préfèrent désormais être appelés « trieurs ».


|"Au début ce n'était pas facile, la moitié ne voulait pas s'associer "


Pour l’heure les améliorations de conditions de travail sont notables par rapport à la décharge :

  • Infrastructures : vestiaires, sanitaires et douches

  • Réduction du temps de travail

  • Salaire régulier et augmenté (voir témoignage d'Idriss Ifakir dans la vidéo)

  • Certains trieurs occupent désormais des postes moins physiques (gardien, administration de la coopérative)

Allal Ikhatib, récupérateur depuis 1962, désormais gardien du site, où il entretient également un petit potager (© The Gold Diggers Project, 2017)


Pour autant, certains trieurs se confient sur quelques problématiques, comme le manque d’abri pour se protéger du soleil dans la zone de tri secondaire et d’équipements de sécurité pour tous.


Si au départ Suez a fourni des uniformes à la coopérative et qu'elle continue de l'accompagner dans sa gestion (et au delà des termes de la convention), l’objectif serait que celle-ci soit autonome, car il n'existe pas de relation de subordination entre Suez et les trieurs, les trieurs étant considérés comme des entrepreneurs à part entière.


Pour financer elle-même ses frais de fonctionnement (fournitures de bureau, équipements de sécurité etc), la coopérative a ainsi mis en place une cotisation de 5 Dh par personne et par jour travaillé (environ 50 cts d’euros). Une cotisation jugée plutôt élevée par certains trieurs (environ 5% du salaire journalier), d’autant plus que depuis sa mise en place, certains ne plaignent de n’en pas voir la couleur.

Car, parmi les difficultés que rencontre la coopérative, on me cite régulièrement des inquiétudes sur la transparence de l’utilisation de cette cotisation.


D'autre part, l'agglomération de Meknes est plutôt exigeante quant à la rapidité d’autonomie de la coopérative. Elle demande, à juste titre, la souscription d'une assurance, mais dans des délais plutôt courts, considérant le caractère inédit de l'administration d'une telle structure pour les trieurs et sachant également que des membres de la coopérative sont analphabètes (au Maroc, environ 3 personnes sur 10 sont analphabètes).


Car voici également un autre enjeu : comment l'intégralité des membres de la coopérative peuvent-ils connaître précisément les termes de la convention si ceux-ci ne peuvent pas les lire ? Est-il ainsi question de faire confiance aux membres du bureau, eux-mêmes alphabètes ? Cette confiance est elle infaillible ?


S’il y a bien une chose pour laquelle les trieurs sont d’accord c’est la nette amélioration de leurs conditions de travail par rapport à la décharge.

Et il devrait en être de même pour de nombreux autres récupérateurs informels du pays.


"Pour l’expérience s’il faut la reproduire , oui ! On a gagné quelque chose (...) la preuve c’est les nouveaux marchés qui sont en cours à Tanger et Titouan, où aussi dans leur cahier de charges, ils demandent aux opérateurs une solution d’insertion sociale des récupérateurs." Rachida Saïsi, Suez

Un avenir plutôt prometteur pour les milliers de familles qui vivent de la récupération informelle dans le pays.

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